La Dame de Fer en or ? A presque 132 ans, la Tour Eiffel s'offre le plus gros lifting de son histoire dans la perspective des Jeux Olympiques de 2024. Exit la couleur "Brun Tour Eiffel" qui revêtait depuis 1968 l'édifice, symbole de Paris. La Tour, qui à l'origine était rouge lors de sa présentation dans l'exposition universelle de 1889, va retrouver la couleur "jaune-brun", voulue par Gustave Eiffel en 1907. Pour cause de Covid-19, le ballet des visiteurs a été remplacé par celui des peintres et les flashes des téléphones par le raclement des grattoirs. "Ça va donner un côté un peu plus 'gold' à la Tour Eiffel au moment des JO par rapport à la couleur qu'on avait l'habitude de voir", souligne Patrick Branco Ruivo, directeur général de la Sete, la société d'exploitation du monument.

A plusieurs centaines de mètres au-dessus du sol, équipés de harnais, d'outils et d'un pot de peinture, les peintres passent d'une pièce à une autre. Suspendus par des cordes, ils gravitent autour des 20 000 petites lampes qui font scintiller chaque soir à la tombée de la nuit la Tour pendant cinq minutes toutes les heures. C’est la 20ème campagne de peinture de la célèbre dame de fer de 324 mètres et l’on n'a pas fait les choses à moitié : exit, sur l'arc sud, les 19 couches de peinture précédentes dont l'épaisseur pouvait atteindre 3 mm. "On peut d'ores et déjà voir la nouvelle couleur quand on regarde le sommet. Ce n'est pas révolutionnaire, mais quand il y a un beau ciel bleu sur Paris, on voit des effets un peu métalliques, brillants", ajoute Patrick Branco Ruivo.

Le chantier - décapage et peinture - a débuté en 2019. Il est titanesque au vu des 18 000 pièces reliées par 2,5 millions de rivets. Chiffrée à 50 millions d'euros, l'opération a nécessité un protocole sanitaire renforcé pour le décapage compte tenu de la présence de plomb dans les peintures précédentes. Le décapage ne concerne à ce stade que 2 % de la structure et se concentre sur l'arc qui donne sur le Champ-de-Mars, le plus soumis au vent, à la pluie et au soleil, et de fait le plus dégradé. Cette dégradation était prévue par Gustave Eiffel qui avait lui-même préconisé de renouveler la couche de peinture tous les sept ans. Un rythme respecté depuis, avec cette année un changement de nuance.

"Pourquoi Gustave Eiffel a-t-il choisi la couleur jaune-brun ? Sans doute pour que la Tour Eiffel soit en écho avec l'ensemble de la grande ville de Paris, ville de pierre de taille, de pierre calcaire", souligne Pierre-Antoine Gatier, l’architecte en chef des monuments historiques.

"On se déplace la plupart du temps comme sur un parcours d'accrobranche", explique Antoine Olhagaray, peintre cordiste de 22 ans. Avec "une vue en plus", complète à ses côtés Charles-Henry Piret : "On n'a pas l'occasion tous les jours d'être suspendu sur une corde à 300 m de haut".

Ont-ils l'impression d'être, près de 70 ans après, les descendants du peintre de la Tour Eiffel immortalisé par Marc Riboud en 1953 ? "On est dans la continuité", estime Charles-Henry, l’un des cordistes qui se dit prêt à" reproduire cette photo version 2021".

A une différence près : eux poseraient retenus par des cordes quand leur "ancêtre" posait nonchalamment, cigarette au bec et chapeau sur la tête, tenant d'une main un pinceau et de l'autre un pilier de la Tour, la ville à ses pieds.

Chaque campagne est l’occasion de vérifier l’état de la structure en détail et de remplacer le cas échéant des petites pièces métalliques corrodées. La peinture appliquée en 2002 et 2009 est une formule sans pigments de plomb, remplacés par du phosphate de zinc comme agent anticorrosion, et plus résistante à la pollution atmosphérique.

De plus, des tests de peinture aux composés organiques volatiles et quasi dépourvue de solvant ont été effectués lors de la campagne 2009 en vue de répondre aux normes environnementales mondiales qui seront imposées après 2012.

Les dates clefs de la Tour

1887/88 : Peinture « rouge Venise », appliquée en atelier avant montage des éléments. 1889 : Application d’une couche très épaisse « brun rouge ».

1892 : La Tour devient « ocre brun ». 1899 : Pose de 5 couleurs dégradées du jaune orange à la base au jaune clair au sommet. C’est à partir de cette campagne que le cycle de 7 ans est retenu pour le renouvellement de la peinture.

1907-1917-1924-1932-1939-1947 : La couleur s’appelle « jaune brun ». La campagne de 1917 connaît un retard dû à la guerre.

1954-61 : Nouvelle couleur pour la Tour Eiffel qui devient « rouge brun ».

Depuis 1968 : La couleur « brun Tour Eiffel » est choisie pour son harmonie avec le paysage parisien. Elle est dégradée en trois tons, du plus foncé en bas au plus clair en haut.

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