Mille milliards de mille sabords ! Quelle bataille d’Hernani de la Bande dessinée et des enchères ! Un dessin du Lotus bleu s’est envolé pour la somme folle de 2,6 millions d’euros, soit 3,175 millions d’euros avec frais et taxes ! Vente réalisée à Paris par la Maison Artcurial, au profit d’un collectionneur resté mystérieux… Le précédent record pour la bande dessinée, le 9e art, était détenu par le dessin original des pages de garde des albums de Tintin, vendu 2,51 millions d’euros en 2014.
« Lotus bleu », est un dessin somptueux qui fut le projet de couverture pour le cinquième album de de Tintin, « Le Lotus Bleu » paru en 1936. L’éditeur Louis Casterman l’aurait refusé au motif qu’il aurait été trop complexe, trop coûteux à imprimer. Selon Artcurial, Hergé aurait par la suite offert le dessin au tout jeune fils de l’éditeur, Jean-Paul Casterman, alors âgé de 7 ans, qui aurait rangé son précieux trésor dans un tiroir (après l’avoir plié en six !) avec l’intention de le garder toute sa vie.
Pour la maison Artcurial qui présidait jeudi à cette vente "L’univers du créateur de Tintin" riche de 107 lots, ce dessin est bien plus qu’une esquisse : un chef-d’œuvre, peut-être le magnum opus de Georges Rémi, dit Hergé. Sur ce papier carré (34 x 34 cm), on reconnaît, peint en couleur directe à l’encre de Chine, aquarelle et gouache, le petit reporter en costume traditionnel et petit chapeau chinois, réfugié avec son chien Milou dans un grand vase en céramique bleu, comme interloqué face au dragon rouge peint en trompe-l’œil sur le mur voisin.
L’histoire de ce dessin reste cependant mystérieuse. Des experts mettent en doute la véracité de la version Casterman, particulièrement le récit de Jean-Paul Casterman, difficile à vérifier de nos jours. Pour plusieurs spécialistes de Tintin, les traces de pliure sur la feuille de papier sont le fait de l’auteur lui-même, qui aurait glissé le dessin dans une enveloppe pour l’envoyer au directeur adjoint de la maison d’édition. Le dessin serait resté depuis 1936, avec beaucoup d’autres, en dépôt chez Casterman. Le Britannique Nick Rodwell , Nick Rodwell, marié à l’ex-épouse d’Hergé et grand patron de Moulinsart, la société qui gère les droits de Tintin, souhaitait que ce dessin rejoigne le musée Hergé de Louvain-la-Neuve, sans passer par la case des enchères.
Le parfum de fruit défendu donné à cette couverture en main privée par l'administrateur de la société Moulinsart, Nick Rodwell, qui s'était interrogé par voies de presse sur la provenance de ce dessin, a visiblement aiguisé les papilles de ces tintinophiles aussi riches que le célèbre milliardaire de Vol 714 pour Sydney Laszlo Carreidas, écrit le quotidien Le Figaro....
Numa Sadoul, auteur de Tintin et moi. Entretiens avec Hergé, ne cache pas au quotidien sa satisfaction face au record de la vente : « La bande dessinée, par le truchement du grand Hergé, prouve qu'elle est un art à part entière, dont la cote de certaines œuvres est capable de rivaliser avec les plus grands peintres et artistes. Qu'il y ait des batailles d'Hernani autour d'un dessin d'Hergé, comme autour d'un dessin de Rembrandt ou de Picasso, cela montre la puissance intrinsèque de son œuvre. »
Le "Lotus Bleu" est bien l’un des chefs d’œuvre du dessinateur belge, inspiré par sa rencontre avec un jeune diplômé chinois de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, Tchang Tchong-Jen, qui restera son ami fidèle.
L’album marque un tournant dans l’œuvre d’Hergé. Les planches paraissent en 1934 et 1935 dans la revue le Petit-Vingtième, avant la publication de l’album en 1936, et sont immédiatement vues comme une œuvre majeure dans l’histoire de la BD.
