Le Stephen King chinois est à Paris Cai Jun :
« Mon message, c’est le pardon, la tolérance. »
On le surnomme le Stephen King chinois. Cai Jun, écrivain chinois à succès est l’auteur de “la Rivière de l’oubli”, publié en français. Son roman a été publié en Chine en 2013. Il travaille actuellement sur une série « Les Gardiens du Tombeau », une sorte d’Indiana Jones mâtiné de Da Vinci Code à la chinoise. Ses quelques 30 premiers livres ont été publiés à plus de 14 millions d’exemplaires. De quoi faire rêver les auteurs français !
“La Rivière de l’oubli”, c’est un thriller ?
Je dirai que ce roman est une fusion des genres. On pourrait le considérer comme un thriller, il y a un côté surnaturel aussi et le côté enquête criminelle.
C’est l’histoire d’une personne assassinée, réincarnée en jeune ado et qui va mener l’enquête sur sa mort, car il ne sait pas qui l’a assassiné dans sa vie antérieure… Comme un policier, c’est lui qui va mener l’enquête, qui va essayer de trouver l’assassin.C’est un roman qui parle de vengeance, de souvenirs, de mémoires.
Est-ce un roman sur la vie après la mort ?
Si je vous dis que c’est sur la vie après la mort, on pense plutôt à l’au-delà, tandis que mon roman, même si le héros est assassiné, il est réincarné ! Donc je reparle de la vie, c’est une notion de la vie… pas vraiment de la mort. Cette personne possède les deux vies en elle-même. Donc je ne dirai pas la vie après la mort. C’est un roman de deux vies.
Est-ce que c’est un thriller de la réincarnation ?
Le cœur du sujet n’est pas la réincarnation, la réincarnation est un outil. Ce qui est important, c’est la vengeance.
Le roman se déroule en 1995 : c’est la Chine du siècle dernier ou c’est la Chine d’aujourd’hui ?
L’histoire démarre en 1995 et bien sûr, c’est le siècle dernier mais en même temps, à partir des années 90, la Chine entre déjà dans une nouvelle ère. Car le développement économique à l’époque était tellement rapide qu’on sentait déjà cette différence.
Ce roman démarre en 95, ensuite la période de ce roman dure presque 20 ans, donc on arrive à la fin en 2014. A travers les 20 années de vie, j’ai forcément parlé également de tous ces changements en Chine, ces relations humaines, à cause ou grâce au développement économique ultra rapide, ces rapports qui se modifient, ces problèmes qui s’accentuent.
A travers le roman on a effectivement un portrait de cette Chine et de cette transformation que connaît le pays en ce moment…
Le décor c’est la Chine, ses transformations, à travers le roman on peut mieux comprendre la Chine, mais ce n’est pas un livre pour expliquer la Chine. Ça reste un décor dans ce roman.
Le lecteur européen qui ne connaît pas très bien le pays va pouvoir comprendre la vie des gens, l’évolution, etc… ça l’aide à mieux comprendre cette Chine.
Votre message c’est qu’il faut savoir pardonner ?
Oui, ce que je prône comme message, c’est le pardon. La tolérance. Le personnage principal, avec ses enquêtes, va beaucoup réfléchir à la question de la mémoire.
Est-il utile de se souvenir de tout ou vaut-il mieux parfois oublier certaines choses ? Accepter la tolérance, accepter le pardon ?
Il s’agit bien sûr dans le roman d’une mémoire individuelle, mais si j’emploie l’idée dans une autre dimension, ça peut être une mémoire collective.
Du point de vue d’un pays, d’un peuple, d’une société, la question de la vengeance et du pardon, c’est universel.
Je prends l’exemple de l’Europe. L’Europe a connu deux guerres dévastatrices, la haine, mais finalement on comprend aujourd’hui que l’Europe cherche à se reconstruire, à être unie, à devenir une Europe forte et c’est quand même le message de pardon. La mémoire, l’oubli, les deux choses qui coexistent… La haine, le pardon, la tolérance, tout ça a une valeur universelle.
On vous surnomme le Stephen King chinois. Ca vous plait ?
L’expression vient d’un critique russe ! ce qui est important, ce n’est pas vraiment la comparaison, il faut avoir son propre style. Après, les médias préfèrent m’appeler ceci ou cela, c’est leur boulot, c’est leur problème.
Moi, je cherche à avoir mon propre style. Cela dit, je dois avouer que l’écriture de Stephen King, ses œuvres, ont eu un impact sur mon écriture, je pense qu’il fait partie des auteurs que j’aime énormément.
Surtout dans ses valeurs, les œuvres de S King, commencent dans la déception, le désespoir et à la fin, il nous offre une voie remplie d’espoir. J’aime beaucoup.
Quels sont vos auteurs de références ?
Je pense que j’ai été très influencé aussi par la littérature française. Quand j’étais jeune, le premier long roman que j’ai lu, c’est de “20 000 lieues sous les mers” de Jules Verne. Ensuite, quand j’étais ado, j’aimais énormément les Misérables de Victor Hugo,et le Rouge et le Noir de Stendhal, après, je ne peux que citer Stephen King…
Votre modèle ?
Victor Hugo.
Qu’avez-vous demandé à voir Paris ?
Je voulais voir où l’on rendait hommage à Marguerite Duras à côté et Jean Paul Sartre, dans le cimetière Montparnasse, et j’ai passé toute une après-midi au cimetière du Père Lachaise. J’ai vu les tombes de Molière, Jean de la Fontaine, Oscar Wilde,
Le Louvre, ça a été un choc. La veille, on était au cimetière du Père Lachaise, on a vu Ingres, au Louvre, j’ai vu une de ces œuvre, de Dominique Ingres, Paris est rempli de culture et d’histoire, j’ai beaucoup aimé
Quelle est son image de la France, aujourd’hui ?
Je dirai que la France a toujours joué un rôle très important dans ma vie. Dans le sens ou les premières œuvres littéraires que j’ai lu, c’était de la littérature française.
C’est un pays rempli d’histoire et de culture, dans tous les domaines, que ce soit l’art, le cinéma, la littérature, du fait que cette relation avec la Chine était toujours très proche, je dirais même que Paris, selon moi, peut-être c’est la seule ville au monde qui m’offre tellement d’éléments culturels, il y’a un héritage culturel extrêmement important.
Est-ce que vous êtes libre, totalement libre d’écrire, quels sont les tabous en Chine ?
Dans mes livres, je ne cherche pas spécialement à être ultra violent ou ultra pornographique. Evidemment, les lecteurs populaires, sans parler de la censure, ne cherchent pas spécialement à lire des choses extrêmement violentes, il y a un rejet. Je suis un romancier populaire, mes créations correspondent aux valeurs de la société. Et donc je n’ai pas eu particulièrement de contrainte pour mes histoires de polar. Tout ce que je veux écrire moi, jusqu’à aujourd’hui, ça n’a jamais posé de problème.
Mes romans se situent romans dans la Chine d’aujourd’hui. Je n’ai pas senti quoi que ce soit de gênant ou d’impossible. Pour la corruption, l’année dernière, en Chine, tout le monde a vu une série télévisée qui en parle, ça n’a rien de tabou…
Il n’y a pas de tabou…
Je vais être très franc avec vous, j’imagine pour les autres écrivains, peut-être, sûrement, moi, je n’ai pas encore eu cette contrainte-là.