MOMA à Paris

New York à Paris avec son Musée d’art moderne

C’est un ravissement. Pour les yeux et pour l’esprit. Il ne faut pas manquer ce privilège rare de contempler à Paris un objet insolite : le Musée d’art moderne de New York, le mythique MoMA, ou plutôt sa collection, redéployée dans les murs de la Fondation Vuitton. Ce grand voilier d’acier et de verre dessiné par Frank Gehry au sud du Jardin d’acclimatation, dans le bois de Boulogne, mérite en soi le voyage.

En raison d’importants travaux de modernisation, une partie des salles du MoMA devait fermer jusqu’en 2019. L’occasion unique de faire découvrir une partie aussi importante de la collection du célèbre musée de la 53e Rue. Résultat : une sélection exceptionnelle de 200 objets, dont quelques dizaines d’œuvres iconiques parmi les plus célèbres de l’art moderne ; de quoi être impressionné par le nombre d’œuvres phares réunies pour la circonstance, certaines n’ayant plus été vues en France depuis des décennies. Et cela malgré l’absence de la « diva assoluta » du XXe siècle, Les Demoiselles d’Avignon de Picasso, une œuvre devenue presque aussi sacrée pour le MoMA que La Joconde pour le Louvre – et qui pour cette raison est désormais interdite de voyage.

Parmi les superstars de cette exposition, notons Le Baigneur (1885) de Paul Cézanne, chef-d’œuvre annonciateur de l’art contemporain, auquel répond en écho une peinture encore classique de Picasso : le Jeune Garçon au cheval (1906). Mais aussi le célébrissime Hoffnung II (1908) de Klimt, La Persistance de la mémoire (1931) de Dali avec ses montres molles, L’atelier (1927) de Picasso, Poisson rouge et Palette (1914) de Matisse, Gare Montparnasse (1914) de Georgio de Chirico, ou encore l’incontournable Roue de bicyclette (1951) de Marcel Duchamp, troisième version d’une œuvre dont les deux premiers originaux (1913 et 1915) avaient disparu.

Ajoutons à cette liste un magnifique Paul Signac, Portrait de Monsieur Fénéon (1890), ainsi que des œuvres majeures de Brancusi, Man Ray, Magritte, Alexander Calder, Max Beckmann, Mondrian, Mark Rothko, Jackson Pollock. Le parcours initiatique se poursuit en apothéose avec des œuvres cultes de la deuxième moitié du XXe siècle, Map de Jasper Johns, Campbells’s Soup Cans d'Andy Wharol, ou Drowning Girl de Roy Lichtenstein.

Être moderne : le MoMA À Paris est un formidable voyage à travers l’art contemporain. Mais aussi le journal de bord de ce musée fondé en 1929 et devenu avec le temps une référence mondiale. On y apprend que House by the Railroad (1925) de Edward Hopper a été la première acquisition du nouveau musée. Que l’on doit celle des Demoiselles d’Avignon, en 1939, à la générosité de Lillie Bliss, l’une des trois fondatrices du MoMA, qui avait légué au musée sa riche collection personnelle. La vente d’un Degas avait permis de s’offrir le Picasso de 1907.

Une présentation hétéroclite

L’originalité de la sélection – qui pourra dérouter certains –, tient précisément au mélange des genres qui a toujours constitué la marque de fabrique du MoMA : la peinture et la sculpture côtoient la photo, le cinéma, la vidéo, le design. Comme la rétrospective actuelle est conçue selon un ordre presque chronologique, le visiteur aura la surprise de découvrir, en début d’expo, le premier dessin animé de Mickey (1928) côtoyant Le Départ de Max Beckmann, et un extrait du Cuirassé Potemkine. Un peu plus loin, l’ironique tableau de Dali avec ses montres molles cohabite avec une photo de Walker Evans sur la misère ouvrière en Pennsylvanie. À l’étage au-dessus, vous trouverez dans leurs vitrines de rutilants objets industriels, roulements à billes, robinetterie, provenant d’une fameuse expo de 1934, « Machine Art ».

La visite se termine, au quatrième et dernier étage de la Fondation, sur une installation qui ne relève pas à proprement parler des arts plastiques ou visuels. Dans The Fourty-Part Motet, Janet Cardiff nous propose une immersion subtile et envoûtante dans une œuvre chorale dont 40 haut-parleurs diffusent la partition de chacun des 40 chanteurs.

Depuis sa fondation, ou presque, le MoMA ne reconnaît qu’une religion officielle : la pluridisciplinarité. Ou, disons plus simplement : l’art sous toutes ses formes, passées et à venir. C’est New York à Paris !

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